Article pris dans Médiapart
Montluel, août 2012.
Morceaux choisis d’une rencontre avec Paul ARIES politologue et homme engagé.
Face à la montée des vagues brunes en Europe, des intégrismes
religieux et économiques sur fond d’indifférence croissante des
citoyens et de développement d’un marketing politique, la seule solution
est le surcroit de démocratie.
Mais la démocratie est une vision de l’homme et non pas un mode de
gouvernement.
Il faut en finir avec l’idée que les hommes seraient
inaptes à la vie politique et développer la démocratie qualitative. Les
gens sont davantage désespérés et angoissés que bêtes et méchants. Fac e
à la logique mortifère du capitalisme qui génère la frustration, la
destruction de la joie, l’apathie profonde à l’égard du monde extérieur,
Paul ARIES revendique un socialisme gourmand en vie, en émotions, en
liaisons sociales, en amour, en amitiés, en beauté, en spiritualité, en
culture et en désir, qui s’inspirerait de G.Deleuze « Le désir est
révolutionnaire parce qu’il veut toujours plus de connexions et
d’agencement ». la seule possibilité selon lui de remplacer la « chose »
capitaliste, c’est d’organiser concrètement la fabrique de l’humain ».
Pourquoi ne pas parler d’une augmentation du « pouvoir de vivre » plutôt
que du « pouvoir d’achat »? C’est à cela que pourrait répondre, par
exemple, le revenu garanti sous une forme démonétarisée : gratuité des
transports en commun, de l’eau vitale, de la restauration scolaire
etc…une façon de combattre la pauvreté.
Le don , le partage l’humour, le désir, sont de vrais dissolvants
d’angoisse et s’expriment à travers des formes parfois anciennes comme
les grèves, les syndicats, les mutuelles, les café, les écoles, les bals
ou les jardin ou plus récentes comme les manifestations de rue, les
festivals, les pique-nique, chaînes humaines, attentats pâtissiers,
fausses « manifs de droite »… Les milieux populaires ont toujours
expérimenté des formes de vie « autres ».
La gauche doit redevenir un
lieu de circulation de la parole et des expériences collectives avant
d’être une machine de conquête du pouvoir. Elle doit lutter contre la
sacralisation du profane et la destruction du sacré à l’œuvre dans cette
société capitaliste et réinventer un autre monde avant même d’en avoir
fini avec celui-ci. Jamais l’homme pharmaceutique ou le robotsapiens
théorisés par un nouveau courant, le transhumanisme défendu par
J.Attali, ne pourront remplacer l’homosapiens et son aptitude au
bonheur dans une société juste qui placerait l’invention au service du
commun : renouveau du mouvement coopératif, écosocialisme municipal,
économie sociale et solidaire, syndicalisme de service etc…C’est aussi
la relation de l’homme avec la ville que Paul Ariès interroge :
étalement urbain, éducation « hors-sol »…
Le «BuenVivir » ce concept emprunté à Alberto Costa, ex ministre de
l’énergie de l’Equateur est un rendez-vous d’amour dans un monde en
guerre, une invitation à ralentir et un merveilleux projet politique que
Paul Ariès a transformé en socialisme gourmand.
Paul Ariès, Le Socialisme gourmand, Edition La Découverte, fév 2012.
NB : Que l’auteur me pardonne une écoute parfois sélective ou légèrement raccourcie de ses propos.
Nadja